Pourquoi nos déchets sont-ils envoyés en Asie ?

Publié le 3 septembre 2019 (modifié le 20 février 2023 à 22h18)
Par One Heart
Temps de lecture : 4 mins

Comment peut-on expliquer qu’une bouteille de lait vide française se retrouve dans une décharge en Malaisie ? Certains de ces produits sont vendus et consommés dans les pays d’Asie, il est donc normal que ceux-la soient recyclés sur place. Par ailleurs, on trouve dans ces pays et notamment en Chine, les principales usines utilisant du plastique, donc envoyer des objets plastiques à recycler pour les réutiliser a une certaine logique. Notons aussi pour nous rassurer, que la grande majorité des déchets est recyclée en France. 

Il reste néanmoins légitime de se poser des questions sur ces milliers de kilomètres parcourus par nos déchets. Laura Chatel, responsable du Plaidoyer chez Zero Waste France nous éclaircit sur ce sujet.

 

Où le recyclage des déchets se fait-il, dans quels pays en dehors de la France et dans quelle proportion ?

Le recyclage des déchets se fait en France mais également dans d’autres Etats, notamment des Etats d’Asie du Sud-Est. Il s’agissait surtout de la Chine, jusqu’en janvier 2018, avant que le pays ne mette en place un programme intitulé “Epée nationale” visant à réduire l’entrée de certains types de déchets sur son territoire. L’exportation s’est alors tournée vers d’autres Etats d’Asie du Sud-Est, tels que l’Indonésie, la Malaisie, la Thaïlande… Plus récemment, ce sont également des Etats proches de l’Europe qui sont concernés (Turquie). 

Il est difficile d’obtenir un chiffre exact sur l’exportation de déchets français. En 2016, la France a exporté environ 14 millions de tonnes de déchets non dangereux, selon l’Agence de l'environnement et de la maîtrise d'énergie (ADEME). Cela n’inclut pas certains déchets qui sont doublement exportés une première fois vers des Etats limitrophes tels que l’Allemagne ou la Belgique, qui eux-mêmes les exportent ensuite.

Pourquoi tout le processus de recyclage ne se fait pas en France?

Les opérations de collecte, de tri et de recyclage ont un coût, qui est très rarement contrebalancé par la vente de la matière recyclée. Certains déchets ont plus de valeur que d’autres car ils sont facilement recyclables, ils ne perdent pas leur qualité en étant recyclé et cela coûte moins cher de le recycler que de fabriquer un objet identique neuf. En revanche, d’autres déchets, par exemple certains déchets plastiques, sont difficilement recyclables et perdent en qualité tout au long de la chaîne de recyclage. Il y a donc un intérêt économique pour les Etats à recycler certains déchets et en exporter d’autres. 

Certains pays d’Asie trouvent un intérêt à importer les déchets que les pays occidentaux ne voulaient pas recycler, notamment pour alimenter leurs industries en matière première, fabriquant ainsi de nouveaux objets ensuite exportés. Il existe donc un réel commerce mondial de déchets

Le bilan carbone du recyclage n’est-il pas fortement alourdi par l’envoi des déchets très loin?

Si bien sûr. Mais à ma connaissance, peu d’études prennent en compte l’impact du transport pour traiter/recycler les déchets. 


Pourquoi la Chine a-t-elle refusé récemment de faire ce travail ? Quelles ont été les conséquences?


Parmi ces produits exportés, beaucoup sont non-recyclables. Du fait de standards environnementaux moins stricts que dans les États exportateurs, ces déchets sont enfouis, empilés dans des décharges ou encore incinérés à l’air libre. Or ces formes de traitement provoquent d’importantes pollutions. Des villages entiers se sont retrouvés submergés par ces déchets de basse qualité et ont subi une grave pollution, liée notamment aux additifs chimiques associés aux plastiques, impactant les réserves d’eau, les productions agricoles et la santé des communautés environnantes. Les Etats importateurs finissent donc par assumer les coûts environnementaux, sanitaires, économiques et sociaux de cette pollution exportée

Face à cette réalité, la Chine a ainsi commencé à refuser les catégories de déchets les moins recyclables. Avec son programme “Epée nationale”, 24 catégories de déchets sont concernées par l’interdiction. 

Cela a créé une “crise du recyclage” dans le monde : dans certains pays, comme aux Etats-Unis, les déchets recyclables sont envoyés en incinération, du fait d’une saturation des usines de recyclage. L’exportation de déchets a également été déportée de la Chine vers d’autres Etats d’Asie du Sud-Est, comme la Thaïlande, l’Indonésie ou la Malaisie. Les problèmes causés en Chine ont donc simplement été déplacés ailleurs. 

Plus récemment, ces Etats ont eux-mêmes pris des mesures pour endiguer l’arrivée de déchets de faible valeur sur leurs territoires, par exemple en renvoyant des cargos de déchets dans les pays d’origine. C’est le cas de l’Indonésie, qui a décidé de renvoyer 49 cargos de déchets en Europe et aux Etats-Unis. 

 

Nous conclurons les explications de Laura Chatel par un rappel, le recyclage a bien entendu des vertus mais n’oublions pas que le meilleur des déchets est celui qu'on ne produit pas ! Le recyclage a quoi qu’il arrive un coût et surtout des limites.

 

 

 

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