Mutane, la maroquinerie qui ressuscite le cuir destiné à la poubelle
Une initiative née de l’envie d’agir
Initialement communicante, Lise Harribey a rencontré au fil de son parcours de nombreuses personnes engagées et inspirantes. Ces dernières ont attisé en elle une envie d’agir et d’être « du côté de ceux qui font ». Depuis toujours fascinée par l'upcycling de vêtements, elle s’était découvert un attrait pour l’artisanat et plus particulièrement pour le secteur du cuir pour lequel il n’existe aujourd’hui aucune réelle filière de recyclage. Son idée ? « Pouvoir proposer des articles de maroquinerie neufs sans aucun matériau neuf ». Depuis la création de sa maroquinerie Mutane en février 2021, Lise récupère donc des cuirs destinés à terminer leur vie à la poubelle, comme des canapés abîmés ou encore des sacs hors d’état sur lesquels elle prélève tout ce qui peut être récupéré, comme les boucles ou les fermetures éclair. Seul le fil qu’elle utilise n’a jamais servi, mais l'artisane, adepte de l’économie circulaire, veille à se le procurer en seconde main, comme lors de vides ateliers.
En ce qui concerne les cuirs qu'elle utilise, Lise les récupère généralement en déchetterie grâce, entre autres, à un partenariat avec le Smicval local, une organisation qui vise à collecter, valoriser et réduire les déchets. La créatrice de Mutane s'approvisionne également au centre de recyclage du Relais Gironde, une association nationale impliquée dans la collecte et le tri de vêtements qui travaille à l’insertion des personnes éloignées de l’emploi. Outre ces organisations, des particuliers commencent à connaître Mutane et certains préviennent même Lise avant de déposer leurs mobiliers ou vêtements en cuir à la déchetterie. « Je me rends compte que c’est un projet qui parle à beaucoup de gens. Il y a vraiment un besoin général d’arrêter de consommer et produire des choses neuves en permanence. Aujourd’hui, on ne jette plus si facilement. Avec le cuir c’est très frustrant, les gens ne savent pas quoi en faire, il n’y a pas de filière de recyclage comme le tissu, le bois ou le plastique… alors certains m’appellent ! » confie l'artisane.
Lise Harribey propose aujourd’hui des sacs cartables qui peuvent, à l’aide d’une bandoulière, autant s’adapter aux enfants qu’aux adultes. Elle propose aussi divers objets de petite maroquinerie mais espère bientôt se développer et proposer une plus large gamme d’articles.
« Je ressuscite le cuir »
Pour Lise, sa maroquinerie ne recycle pas le cuir : « Dans le recyclage il y a une opération de transformation, ce qui n’est pas le cas avec le cuir que j’utilise ». Alors pour qualifier ce nouveau modèle, la créatrice utilise le joli verbe "ressusciter". Elle explique sa démarche : « Je ne voulais pas d’une fausse solution. Je voulais que mon activité soit la moins énergivore possible, qu’elle ne génère aucun impact négatif sur l’environnement et qu’elle ne prélève pas la moindre ressource ». Mais ce n’est pas tout, la maroquinière ne s’arrête pas à l’utilisation de matériaux récupérés. Elle souhaite à l’avenir développer son activité de manière à la rendre vraiment utile. Lise compte pour cela travailler main dans la main avec des entreprises de l’économie sociale et solidaire comme un ESAT (établissement réservé aux personnes en situation de handicap et visant leur insertion ou réinsertion sociale et professionnelle) pour l’assister lors de la partie démontage et récupération de matériaux, ainsi qu’une autre entreprise adaptée en Charente pour la partie fabrication.
Mutane implantée au sein d'un tiers-lieu vivant, solidaire et collaboratif
Depuis peu, l’atelier de Mutane a posé ses valises à la Possiblerie, un tiers-lieu vivant, solidaire et collaboratif réunissant sur une même propriété plusieurs entrepreneurs qui partagent espaces, matériel et connaissances pour valoriser les richesses locales. Récemment, Mutane s’est même vu décerner le label Répar’acteurs par la chambre des métiers et de l’artisanat. Grâce à ce label national, la maroquinerie fait désormais partie du réseau d'artisans réparateurs identifiés en Gironde. En effet, elle fabrique mais répare aussi certains sacs lorsque cela est envisageable.
Courant 2021, Mutane a également été récompensée par le trophée de l’éco-conception remis par l’organisation RECITA, le réseau de l’économie circulaire et de l'innovation en Nouvelle-Aquitaine. Pour Lise Harribey, Mutane est aujourd'hui un projet d’avenir dont elle espère pouvoir faire un jour son activité principale : « Pour moi, Mutane représente beaucoup de joie, beaucoup d’espoir aussi. J’ai la chance d’avoir eu beaucoup de visibilité et de retours en quelques mois, ce qui m’a confirmé que mon idée de “sortir des cuirs de la poubelle" n'est au final pas si farfelue que ça ! ».