Héberger sans durée déterminée des personnes sans-abri : le pari de Toit à moi
Des logements remis à neuf pour des personnes sans-abri
Responsable de l’antenne de Toulouse de Toit à moi pendant 5 ans, Richard Bastien a participé à la mise en place de 4 logements dans la ville alors qu’elle n’en comptait qu’un seul. Il nous raconte comment l’idée est venue en 2007 au fondateur Denis Castin : « Plutôt que de donner un pièce à une personne dans la rue, pourquoi pas mutualiser ces petits dons pour acheter un logement ? ». Voilà l’idée de base. Grâce aux dons des particuliers et des entreprises, l’association achète donc des logements, les remet en état puis les meuble.
« Notre objectif est que quand le bénéficiaire arrive avec ses cabas, de la rue ou de son habitat précaire, dans son nouveau logement, il se dise : « Wahou ! Comme je vais m’y sentir bien ! » ». Voici le souhait de Toit à moi. La personne peut alors le personnaliser comme elle le souhaite, l’association lui met à disposition un petit budget pour acheter un élément de décoration personnelle (coussin, cadre…) afin qu’elle s’approprie les lieux.
Un hébergement à durée indéterminée
La grande spécificité de Toit à moi est la durée indéterminée pendant laquelle la personne hébergée peut rester dans le logement. Il leur est annoncé que l’hébergement n’est pas pour toute la vie, qu’il est transitoire, mais pas pour une période définie. La durée de l’hébergement dépend des personnes, de leurs difficultés. Elle est souvent assez longue : les hébergés restent en moyenne entre 2 ans et demie et 3 ans. « On attend que la personne soit suffisamment solide pour pouvoir partir sur un projet d’autonomie comme pour cette jeune femme qui vient de quitter un hébergement en Seine-et-Marne après 6 ans d’occupation. » nous décrit Richard.
Une participation au loyer est demandée à la personne hébergée, à hauteur de 6 % de ses revenus. Une personne touchant un RSA de 600 € par exemple, devra payer environ 1 € par jour. Cette participation est importante pour apprendre à se responsabiliser car le dispositif de Toit à moi est un tremplin, il doit aider à devenir autonome.
Un contrat de logement est établi pour créer un cadre afin de sécuriser les deux parties, l’hébergé et l’association. Il décrit les engagements de chacun : l’association s’engage à mettre des moyens humains pour accompagner la personne du mieux possible et celle-ci affirme qu’elle est d’accord pour recevoir cet accompagnement. « Toit à moi s’adresse aux personnes qui veulent plus qu’une simple mise à l’abri » précise Richard.
Une initiative citoyenne importante pour accompagner les hébergés
Les bénévoles ont un rôle important dans l’association Toit à moi car Richard nous rappelle « qu’il s’agit d’une initiative citoyenne ». Leur rôle est de tisser du lien, organiser les activités (sorties culturelles, randonnées, activités avec des animaux…). Toit à moi mise sur les activités pour valoriser les bénéficiaires, les mettre en confiance car les personnes sans-abri, isolées, en rupture familial, ont souvent une estime de soi dégradée. Les activités proposées, collectives ou individuelles permettent de créer du lien. C’est ce lien qui va permettre aux personnes de se sentir progressivement entourées, soutenues et qui leur donnera la force d’entamer une nouvelle vie.
L’association s’entoure également de professionnels de l’accompagnement et de structures partenaires (psychologues, assistantes sociales, médecins, centre de formation…). L’objectif est que les personnes accueillies puissent se reconstruire et être en capacité de se projeter dans l’avenir.
Les exemples réussis ne manquent pas, mais celui qui a le plus marqué Richard est celui d’Omar, qu’il a rencontré à ses débuts dans l’association. Ce Tchadien de 35 ans, emprisonné et torturé, a dû fuir son pays en guerre après avoir perdu sa femme et ses trois enfants. Porteur de pathologie chronique, les débuts de son parcours en France furent très douloureux aussi. Jusqu’à ce qu’il rencontre un bénévole de Toit à moi. Hébergé grace à l’association pendant plusieurs années, il est aujourd’hui salarié dans une entreprise et père d’une petite fille. Il est devenu parrain et a intégré l’équipe de bénévoles de Toulouse.
Au total, une centaine de personnes ont été accompagnées dans plusieurs grandes villes de France. Aujourd’hui, l’association s’implante aussi en milieu rural car comme l’indique Richard, responsable de l’antenne ariégeoise, « La précarité en milieu rural se manifeste différemment, elle est plus cachée mais malheureusement bien présente ». À l'heure où nous écrivons cet article, les premiers bénéficiaires du département ont pu s'installer dans leur logement !