Consommation : 1 Français sur 6 touché par la précarité matérielle

Publié le 13 janvier 2022 (modifié le 20 février 2023 à 22h22)
Par Mélanie Appadoo
Temps de lecture : 4 mins
Souvent rattachée à la question alimentaire, la précarité peut également prendre une forme matérielle impliquant une privation de certains produits de consommation non alimentaires. Une privation qui peut avoir des répercussions considérables sur les individus et engendrer des problématiques d’insécurité sociale. Selon l’étude réalisée par l’Ifop pour l’Agence du Don en Nature et la Fondation Jean Jaurès en novembre 2021, 1 Français sur 3 connaîtrait des restrictions régulières autour de leur pouvoir d’achat. Parmi eux, 15 % seraient en situation de précarité matérielle.

La précarité matérielle, entre frustration, injustice et honte

Au moins quatre fois par mois, 1 Français sur 3 renonce à acheter certains produits de consommation, faute de moyens financiers. C’est ce que révèle l’étude réalisée par l’Ifop pour l’Agence du Don en Nature et la Fondation Jean Jaurès. Produits d’hygiène de base, produits d’entretien, literie, appareils électroménagers ou encore vêtements et accessoires… de plus en plus de Français peinent à se procurer ces objets du quotidien pourtant considérés comme nécessaires. « Un produit sera considéré comme nécessaire s’il remplit un besoin fondamental mais aussi s’il entre dans les normes de consommation de la majorité de la population » indique l’étude.

Sur les 2 000 personnes interrogées, 53 % disent ressentir de la frustration et 41 % de l’injustice lorsqu’elles se résignent à effectuer certains achats. 28 % se sentent quant à elles en colère et 13 % honteuses. Parmi elles, on compte majoritairement des jeunes, des intérimaires, des auto entrepreneurs et des ménages aux revenus modestes. Cette situation s’est d’autant plus accentuée depuis le début de la crise sanitaire, fragilisant 4 millions de personnes, selon le Centre de recherches pour l’étude et l’observation des conditions de vie.

 

Redonner une place au sein de la société

Dans leur étude, l’Agence du Don en Nature et la Fondation Jean Jaurès mettent en garde contre une précarité matérielle grandissante qui s’accompagne d’une "insécurité sociale" pouvant avoir "des conséquences plus ou moins graves" sur le long terme. « La première solution pour nous, c’est qu’il y ait une reconnaissance légale, qu’on inscrive la précarité matérielle au même titre que la précarité alimentaire, dans le code de l’action sociale  » indique Charles Broume, chargé de mission au sein de l’Agence du Don en Nature. « Inscrire ce concept dans la loi n’est pas seulement symbolique, cela permet ensuite de mettre en place un ensemble d’actions visant à résoudre ce problème » ajoute-t-il. Soucieuses de l’avenir, en quête de dignité et de justice sociale, les personnes touchées par la précarité matérielle ne souhaitent qu’une chose : avoir les mêmes chances et se sentir pleinement intégrées au sein de la société. « Disposer ou pas de certains produits c’est avoir le sentiment d’être ou pas dans les normes de consommation existantes dans la société » révèle l’étude.

Face au phénomène de précarité matérielle, l’Agence du Don en Nature agit depuis plusieurs années pour améliorer l’égalité des chances et permettre aux personnes dans le besoin de bénéficier d’un niveau de vie décent. Elle redistribue ainsi via un réseau associatif, des produits non alimentaires, collectés auprès des entreprises, à destination de personnes en situation de précarité. « On considère qu’en donnant des opportunités égales à chacun, c’est une chance pour la communauté puisque chacun est en mesure d’avoir une éducation, d’avoir accès à l’emploi, de participer au développement du pays aussi » témoigne Charles. L’Agence du Don en Nature organise pour cela de nombreuses opérations telles que la "Rentrée solidaire" grâce à laquelle des fournitures scolaires sont distribuées aux écoliers et le "Noël solidaire" qui permet de collecter des milliers de jouets auprès de grandes enseignes avant d’être distribués à des enfants issus de familles défavorisées.

 

Valoriser les invendus non alimentaires grâce à la loi anti-gaspillage

En 2019, les invendus non alimentaires en France représentaient à eux seuls 4 milliards d’euros de valeur marchande. Avec la récente loi AGEC (Loi Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire), effective depuis le 1er janvier 2022, les fabricants, importateurs et distributeurs ne pourront plus détruire leurs invendus. Ces derniers devront au contraire être donnés ou recyclés. Une bonne nouvelle pour l’Agence du Don en Nature et l’Institut National de l'Économie Circulaire qui considèrent le don comme une solution à la précarité matérielle et au gaspillage des ressources

Comme l’expliquent les deux structures dans leur récente tribune intitulée "Le don, un levier de déploiement de l’économie circulaire et solidaire", bien que les produits de seconde main soient plus accessibles que les produits neufs, ils ne répondent malheureusement pas toujours aux besoins des bénéficiaires et alimentent au contraire un sentiment de honte. « Le neuf va avoir une importance symbolique que nous prônons » souligne Charles. En effet, pour de nombreuses personnes, acheter un produit neuf leur permet de consommer de manière digne et de se sentir intégrées au sein de la société.

Il est évident que la loi AGEC représente un puissant levier d’action et puisqu’elle vise à terme à interdire la destruction des invendus, l’Agence du Don en Nature s’interroge sur l’engagement des différentes parties et sur de nouvelles manières de bouleverser le don : « Est-ce qu’il faut aller plus loin dans le don ? Est-ce que l’entreprise a un rôle à jouer, doit-elle aller plus loin que de distribuer des invendus ? » Peut-être faudrait-il réfléchir en amont à une politique de production évaluant mieux les quantités vendues ?… Affaire à suivre.

 


[En partenariat avec l’Agence du Don en Nature]

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