Sunaura Taylor : toutes les vies ont la même valeur

Publié le 5 novembre 2019 (modifié le 20 février 2023 à 22h18)
Par One Heart
Temps de lecture : 3 mins

Sunaura Taylor est atteinte d’arthrogrypose, une maladie congénitale qui affecte les articulations. Dès son plus jeune âge elle est confrontée au regard des autres, en particulier celui des enfants qui la comparent à un singe pour sa démarche, à un chien pour sa manière de manger, etc. Bref, son handicap la rapproche plus de l’animal que de l’Homme.

Sunaura, qui adore les animaux, ne comprend pas que cette comparaison ait une connotation si négative, puisque selon elle, l’être humain fait partie du règne animal, il en est un. Depuis plusieurs années, Sunaura milite activement pour les droits des handicapés et ceux des animaux.

“Je me sens animale dans mon incarnation…”

Dans son ouvrage Braves Bêtes. Animaux et handicapés, même combat ?, Sunaura pousse la réflexion à un niveau supérieur : le traitement consacré aux animaux et aux personnes handicapées découle d’un même mécanisme social et culturel : le validisme
Qu’il soit intentionnel ou non, le validisme consiste à hiérarchiser les êtres vivants selon leurs critères physiques, intellectuels et émotionnels en privilégiant les êtres “valides”, explique-t-elle.

Dans les sociétés dans lesquelles nous évoluons, la valeur attribuée à un être “valide” est supérieure à celle d’un être “invalide”. De même, l’exploitation abusive des animaux, dont les capacités physiques, intellectuelles et affectives diffèrent de celles de l’Homme, est légitimée par le validisme. Selon elle, le spécisme “C’est croire que les êtres humains sont supérieurs à tous les autres animaux et fermer les yeux sur nos pratiques et notre domination sous prétexte que nous, humains, sommes au-dessus des animaux, tant sur un plan spirituel que biologique.

Elle explique dans son ouvrage que l’être humain aborde sa place dans l’écosystème à rebours, puisqu’il est déjà un animal : l’âge, les maladies et les accidents signifient que toute “validité” n’est qu’un état temporaire. Tous les êtres vivants sont interdépendants.

Dans la vie de tous les jours, Sunaura utilise énormément sa bouche pour accomplir ses tâches. C’est, pour elle, un moyen d’être plus proche des animaux qu’elle défend : “Je me sens animale dans mon incarnation, et ce sentiment est un sentiment de connexion et non de honte.” 

La justice pour tous

Dans son livre, Sunaura lie les droits des personnes handicapées et les droits des animaux. Elle indique que, par le passé, les individus colonisés étaient souvent décrits comme handicapés et comparés aux animaux : ils étaient perçus comme désordonnés et bestiaux, par conséquent “inférieurs”. C’est ce mode de pensée qui a légitimé et autorisé leur exploitation.

Elle s’oppose également aux arguments de philosophes qui postulent que certains animaux ont plus de capacités cognitives que certaines personnes handicapées, et si nous accordons une valeur à la vie de ces personnes, ne devrions-nous pas en accorder également à celle des animaux ? 

Sunaura confie au quotidien The NewYorker que les "Philosophes essaient de construire des systèmes d’argumentation, où ils disent qu’une vie a de la valeur à cause de ‘A’, ‘B’, ou ‘C’, mais nous n’avons pas à nous inquiéter si d’autres organismes sur cette planète ont une dignité. Ce que je pense dire, c’est  que la vie est sacrée, mais pas dans un sens religieux.” 

Sunaura explique qu’il faut aboutir à un mode de vie et de traitement des êtres vivants qui ne place pas l’être humain au dessus des autres espèces, ni un humain au dessus d’un autre. La cause animale et celle des personnes handicapées sont, in fine, étroitement liées : “La libération des populations handicapées n’aura pas lieu tant que nous porterons un regard validiste et anthropocentriste sur nos environnements, sur les espèces avec lesquelles nous partageons ces derniers, et sur chaque animal dont la vie est mêlée à la nôtre.

Crédit : Illustration : Beth Hoeckel / Photo : Erik McGregor

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