Découvrez les coulisses de la chasse, grâce à Pierre Rigaux

Publié le 27 septembre 2019 (modifié le 20 février 2023 à 22h18)
Par One Heart
Temps de lecture : 5 mins

La chasse contemporaine est ce que que tout le monde pense qu’elle est : une activité consistant à tuer un animal, généralement libre.

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Si c’est la seule chose que vous connaissez de la chasse, que cela vous semble cruel et inacceptable, mais que vous ne savez pas comment défendre les animaux, Pas de fusils dans la nature est l’ouvrage qui vous aidera à trouver les bons mots.


Naturaliste indépendant et biologiste de formation, Pierre Rigaux réunit dans cet ouvrage deux combats trop peu associés : les animaux et l’écologie. Sa “réponse” aux chasseurs n’est pas seulement émotionnelle. Pour étayer son plaidoyer, Pierre Rigaux s’appuie sur les textes de lois, les réglementations et les études scientifiques. 

Nous avons pu nous entretenir avec lui. 

 

One Heart : Pourquoi êtes-vous si passionné par la nature ? Pourquoi l’aimez-vous autant ? 

Pierre Rigaux : C’est un intérêt spontané depuis l’enfance. L’attirance pour les animaux, en particulier les animaux sauvages, ça fait appel à des choses qui sont très profondément ancrées. Puis cette passion s’est transformée en travail.
Après des études de biologie, j’ai travaillé pendant une douzaine d’années dans des ONG de protection de la nature. Depuis maintenant deux ans, je suis un naturaliste indépendant.

Quelle cause animale vous émeut le plus ? Celle que vous voudriez résoudre en premier.

Ce qui m’intéresse vraiment c’est de rallier deux grands enjeux qui sont d’une part, l’écologie et d’autre part les animaux. Parce que, souvent, c’est assez clivé.
Le milieu de la protection de la nature et le milieu de la protection animale, c’est deux milieux différents, des personnes différentes. Pourtant, c’est, à mon sens, complètement connecté et ça va ensemble, ça devrait aller plus ensemble.


Quels sont les massacres dont on entend le moins parler, ceux que vous avez pu constater sur le     terrain ? 

On entend sans cesse parler de la perte de biodiversité. Mais je trouve que, souvent, on ne fait pas le lien avec notre mode de vie, puisque c’est quand-même ça qui est la cause principale de disparition de la biodiversité. C’est le mode de vie, essentiellement des pays riches, avec l’agriculture intensive, avec l’urbanisation,etc.

Tout le monde sait que c’est mauvais, mais on ne fait pas toujours le lien avec la biodiversité, or c’est vraiment un lien direct : on consomme des aliments issus de l’agriculture intensive. Ça veut dire concrètement que les champs, les grandes parcelles qui ont pu disparaître, ont fait disparaître les animaux. 


Il tient donc à l’Homme de se remettre en question et de remettre en question son mode de vie...

Je pense que le fonctionnement individuel ne suffira pas. Il faut que ça passe par des décisions politiques, que des lois interdisent certaines pratiques, que des orientations soient prises… ce qui n’est pas du tout le cas actuellement. 

Il faut faire pression sur les politiques. Pour l’instant, ils sont, à mon avis, en retard par rapport à la demande citoyenne. 


Vous écrivez beaucoup d’articles et faites beaucoup de vidéos, pour expliquer et dénoncer. Qu’est-ce qui vous a motivé à écrire un livre sur les chasseurs ? 

Le sujet est passionnant. C’est vraiment à la croisée de ces deux enjeux : écologie et animaux. J’ai constaté qu’il y avait une grande méconnaissance du sujet de la part de nos concitoyens en général, y compris les gens qui n’aiment pas la chasse.
Ils ont toutes les raisons de ne pas l’aimer, mais souvent, les personnes manquent d’arguments face aux chasseurs. 

C’est pour ça que c’est sous-titré “Les réponses aux chasseurs”. C’est pour essayer d’apporter des arguments dans le débat public, des arguments de terrains, des arguments avec les données scientifiques des études qui existent, avec tout ce qu’il faut pour comprendre le sujet. 


Comment abordez-vous la chasse dans votre livre ? 

Ce livre aborde notamment l’écologie de la chasse. Par exemple le fait qu’on élève des millions d’animaux pour les lâcher pour la chasse, des faisans et des perdrix notamment. 
Il y a des formes de chasse méconnues aussi : les chasses en enclos, les chasses d’animaux qui sont maintenus captifs dans des parcs grillagés… c’est vraiment pour chasser, juste pour le plaisir de tirer dessus

Ce que j’ai aussi essayé de développer, c’est tout ce système de la chasse, cette infiltration du monde de la chasse à tous les niveaux, dans les sphères politiques nationales ou locales. 
Comment expliquer que les chasseurs aient autant de poids aujourd’hui ? Comment expliquer que l’Etat leur accorde tant de lois, leur fasse tant de cadeaux ?

J’ai essayé de développer la façon dont les chasseurs arrivent à se faire bien voir de la part des décideurs. 


Pensez-vous que l’on puisse se passer de la chasse, de vivre autrement ?  

Oui, clairement. Les arguments que mettent en avant les chasseurs, pour justifier leurs pratiques, sont un peu toujours les mêmes, comme la régulation. 
C’est absurde de dire qu’il faut réguler les oiseaux migrateurs, il y a quand-même entre 20 et 30 espèces chassées qui sont menacées ou en déclin, mais pas nécessairement à cause de la chasse. Il y a d’autres facteurs comme l’agriculture intensive. Ça n’est pas la peine de rajouter par dessus un facteur comme la chasse.

On peut s’en passer très facilement, il suffit d’arrêter


Vous vous focalisez uniquement sur la chasse en France ?  

Il y a des exemples ailleurs, mais je développe le cas français qui est assez particulier. Si on prend le reste de l’Europe, les chasseurs n’ont pas autant de pouvoir. La France fait partie des pays d’Europe dans lesquels la proportion de chasseurs est la plus élevée. On n’est pas en tête, mais on est sur le podium des pays où il y a le plus de chasseurs, comparativement à la population.
Et puis, on est le pays d’Europe où il y a le plus grand nombre d’espèces chassables. 


Vous avez travaillé un temps avec la LPO (Ligue Protectrice des Oiseaux), que pensez-vous de la décision du ministère de la Transition écologique de maintenir les quotas de la chasse à la glu ? 

La chasse à la glu fait partie des chasses totalement aberrantes, qui ne servent strictement à rien, si ce n’est amuser les gens qui le font. Donc il faut absolument interdire ça. 
En plus de ne servir à rien du tout, c’est une chasse qui n’est pas sélective. On badigeonne de la colle sur un bâton qu’on met dans des arbres, et puis les oiseaux viennent se poser, et n’importe quel oiseau peut venir s’y poser. 


Que préconisez-vous pour inciter les gens à être plus respectueux de la biodiversité ?

Pour ne se limiter qu’à la chasse, j’ai lancé depuis l’année dernière, une action qui concerne Décathlon. Décathlon qui vend du matériel de chasse et qui fait des fêtes de la chasse.
Pour moi, c’est une action qui peut être vraiment menée par le citoyen, en interpellant Décathlon, en demandant d’arrêter de vendre du matériel de chasse. En faisant ça, ce genre de magasin rend la chasse socialement acceptable. 

A la fin, l’objectif est que des lois soient prises pour interdire certaines pratiques. 

Il faut que la société change, je ne suis pas le premier à le dire. Il faut qu’on remette complètement en cause notre façon de fonctionner, ça se fait à l’échelle individuelle mais pas seulement. Ça se fait en orientant la politique dans ce sens-là. 

 


Pas de fusils dans la nature : les réponses aux chasseurs, de Pierre Rigaux. humenSciences, 288 pages, 22,00 €. Disponible en librairie et en ligne

Vous pouvez également retrouver les écrits et les vidéos de Pierre Rigaux sur son site

Crédit photo : pierrerigaux.fr

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