Victime de viol enfant, il crée une association pour sensibiliser au harcèlement
10 ans d’abus sexuel, 30 ans pour sortir du silence
Laurent Boyer a été victime de viol de 6 à 9 ans par son frère de 10 ans son aîné quand ce dernier rentrait de l’internat le week-end. « J’étais incapable de dire à voix haute ce que mon frère me faisait. Il me persuadait que tous les frères faisaient ainsi et me forçait à garder le silence » confie-t-il. « En revanche j’écrivais, dans une sorte de journal intime et j’espérais une main tendue dans les deux lieux que je fréquentais le plus : l’école et mon club de sport ». Il était donc important pour Laurent d’offrir la possibilité aux enfants victimes de maltraitance de libérer leur parole par écrit dans leurs lieux de vie.
Il lui a fallu 30 ans de malaise pour libérer sa parole, ceci grâce à une rencontre amoureuse, sa femme aujourd’hui, qui lui a donné confiance pour faire « ce saut dans le vide » comme il le décrit. Laurent s’était préparé à toutes les réactions de la part de sa famille : « qu’on m’insulte, qu’on ne me croit pas et tout ça est arrivé » partage Laurent. « Mais je ne pouvais imaginer que ma mère me dise qu’elle me croyait car elle s’en était toujours doutée » déplore-t-il. Un choc dont il a mis encore plusieurs années à se relever. Il était alors trop tard pour porter plainte car les 20 années de prescription étaient passées. Laurent n’a pas de regret à ce sujet, il a le sentiment que condamner son frère ne lui apporterait rien. Son action auprès de son association Les Papillons, est beaucoup plus salvatrice et constructive.
Après avoir écrit le livre "Tous les frères font comme ça", c’est le témoignage, qu’il découvre sur un plateau télé, d’une petite fille de 9 ans abusée sexuellement par son grand-père, qui le pousse à créer l’association Les Papillons. « Pour aider les enfants victimes de violences sexuelles à se libérer de leur silence, dont ils sont prisonniers comme dans une chrysalide, comme les papillons pour prendre leur envol » précise Laurent.
Convaincre les victimes de parler, la seule façon de s’en sortir
La première boîte aux lettres de l’association Les Papillons a été installée près de Toulon, en mars 2020, une semaine avant le confinement. 200 boîtes ont été depuis mises une place sur tout le territoire dans des lieux fréquentés par les jeunes de 6 à 17 ans : dans les écoles publiques ou privées, les centres sportifs, les clubs de loisirs. Compte tenu des différents confinements et restrictions liés au Covid-19, Laurent estime que 50 d’entres elles ont été réellement actives en 2 ans, touchant pourtant un nombre important d’enfants : 55 000. Au total, 700 mots ont été reçus. La grande majorité d’entre eux concernait le harcèlement et les incivilités scolaires et près de 20 % dénonçaient des violences intra-familiales. 31 cas de violences graves ont été détectés.
Les mots recueillis par des référents des Papillons sont envoyés au pôle d’analyse des courriers papillons, composé de professionnels bénévoles (médecins, psychologues, membres de l’Éducation nationale ou éducateurs spécialisés). Ils travaillent en binôme et réagissent quotidiennement. En fonction du cas, le problème est signalé à l’école si cela concerne un harcèlement scolaire, au référent de mairie ou à la police si l’information est préoccupante ou concerne une maltraitance physique.
Une aide précieuse des bénévoles et des ambassadeurs
L’association Les Papillons dispose de 400 bénévoles partout en France mais Laurent nous fait part de son besoin permanent de nouveaux engagés à leur coté. Leur rôle est multiple : ils sensibilisent d'abord les institutions à l’installation des boîtes, puis une fois qu'elles sont installées, ils contribuent à leur déploiement et prennent en charge la session de sensibilisation qui accompagne chaque installation. Les bénévoles sont au préalables formés par l’association pour animer la présentation mais aussi détecter des signaux de maltraitance. Cette session de 10 à 15 minutes explique aux enfants ce qu'est une infraction, de quoi ils peuvent être victimes et à quoi va servir cette boîte aux lettres. Il existe deux diaporamas vidéos différents : un pour les primaires et un autre pour les collégiens.
L’association a aussi la chance de pouvoir compter sur l’aide fidèle de plusieurs célébrités qui ont accepté d’être ses ambassadeurs. Cyril Hanouna, Pierre Richard, Chantal Lauby, Luis Fernandez... tous donnent de la visibilité au travail des Papillons dès qu’ils le peuvent. L’actrice Valérie Kaprisky va même jusqu’à s’investir encore plus auprès de sa ville de coeur, Cannes, pour le déploiement de l’association sur place. Les Papillons collabore parfois avec d’autres associations notamment Colosse aux pieds d’Argile qui se bat se son côté aussi pour prévenir les actes de pédophilie. Il leur arrive de se passer le relais quand ils ne peuvent pas être présents dans une ville. « Le but ultime c’est d’aider les enfants » conclut Laurent.