Nuit Debout, les bourgeons d’un printemps français

Publié le 5 avril 2016 (modifié le 20 février 2023 à 22h15)
Par One Heart
Temps de lecture : 4 mins

Depuis quelques jours, plusieurs places françaises sont occupées par les participants à un mouvement unique en France : Nuit Debout. Leurs revendications ? Aucune, ou plutôt toutes. Changer le monde dans lequel nous vivons en agrégeant tous les combats.

Directement inspiré par les mouvements des indignés et Occupy, Nuit Debout, ou le mouvement du 32 mars, est né d’une volonté des citoyens de discuter, d’échanger, de rêver d’un autre monde.

Faire converger les luttes par la sociocratie

La loi travail fut l’élément déclencheur de la mobilisation. Aujourd’hui, les revendications sont bien plus profondes et transcendent le simple cadre de la contestation. Nuit Debout n’est pas une manifestation mais un mouvement social, un appel à un changement de société.

Marie Mathématiques, de son pseudo de militante, présente place de la République, raconte que cela l’a frappée « de voir que les gens s’écoutaient sans aucune hostilité. Des gens de toutes les générations, venus de tous horizons et de toutes les opinions. Il y a un respect mutuel très fort et cela permet une véritable « convergence des luttes ». »

Bérangère, participante au rassemblement de Toulouse, précise « que Nuit Debout n’est pas une manifestation mais un rassemblement revendicatif, convivial et pacifique. On y rencontre des militants écologistes, des défenseurs des droits de l’hommes ou encore des étudiants. Tout le monde est invité à participer, à venir voir, à s’informer. »

Les participants au mouvement estiment que la politique institutionnelle se trouve dans une impasse. Face à une démocratie qui n’offrirait aucune alternative satisfaisante, la solution ne pourrait venir que d’un modèle plus participatif : une sociocratie.

YAK, le dessinateur d’Elyx, explique que « cela fait plusieurs mois, voire des années, que nous reposons sur un terreau fertile et favorable à l’émergence de ce genre d’initiative : la Conférence de Paris sur le climat (COP21), les films Demain et Merci Patron, les scandales d’évasion fiscale etc.

Ce compost citoyen a permis la naissance des premiers germes qui ne demandent qu’à pousser. Les racines de ce mouvement sont profondes. Les bourgeons vont éclore et faire place au printemps. »

Debout à Paris et en province

Place de la République, c’est tous les jours le même rituel. « La journée commence réellement à 15h, détaille Marie. C’est l’heure à laquelle nous réinstallons le camp. Nous remontons les tentes, rallumons les barbecues, bref, nous reprenons possession des lieux.

A 18h, nous tenons notre Assemblée Générale (AG). Plusieurs milliers de personnes y assistent. Nous faisons passer un mégaphone. Tout le monde peut s’exprimer, toutes les paroles sont écoutées. Cela dure tant que des personnes souhaitent intervenir.

Après l’AG, le mouvement s’amplifie. Il y a des projections, des concerts, des groupes de parole… Cela dure toute la nuit.

A l’aube, les CRS font évacuer la place. Un matin, il s’est passé une chose incroyable. Devant la non-violence des participants, les CRS ont enlevé leurs casques pour partager un café avec nous. Les forces de l’ordre sont de plus en plus bienveillantes. Cela s’explique car nous prônons une désobéissance civile pacifique. »

Cette ambiance est aussi présente en province. A Bordeaux, Angers ou encore Toulouse la foule se rassemble dans la calme. « A Toulouse, tout a commencé le 31 mars par une AG au théâtre Garonne, se souvient Bérangère. Ce fut une véritable agora populaire et unitaire. Notre prochain rassemblement aura lieu le 5 avril 2016 à 18h, place du Capitole. »

La maitrise de l’information grâce au digital

Nuit Debout s’organise et se médiatise. Pour éviter toute récupération ou personnification du mouvement, ses participants utilisent principalement les réseaux sociaux pour communiquer, notamment l’application de livestream Periscope.

« C’est pratique et c’est fun, s’enthousiasme Marie. Nous sommes un mouvement qui transitionne dans la joie. Lors de la diffusion de live sur Periscope, nous recevions de très nombreux commentaires positifs.

Les modes d’information « classiques » ne fonctionnent plus dans une société libérée. La force de Periscope est qu’il place le spectateur au cœur de l’action. Nous mettons le digital au service de la convergence. Twitter c’était le printemps arabe, Periscope sera le Printemps français. »

Il y a une réelle volonté de structurer la convergence des luttes, à Paris comme en province. Les différents mouvements essayent de créer un media center pour pouvoir gérer l’information avec tous les autres rassemblements en France.

Rester debout, mais combien de temps ?

Peut-on changer le monde sans pouvoir collectif, en militant et en changeant simplement son mode de vie ? Faut-il au contraire passer par le circuit électoral ? Du mouvement des indignés espagnoles est né le parti politique Podemos. Réussissant à transformer ce rassemblement en véritable force politique, il a également trahi ses valeurs fondamentales comme l’absence de leaders, l’organisation horizontale ou encore la participation de tous aux prises de décision.

« Nous sommes le 36 mars, rappelle Marie. Le mois de mars, c’est le début du printemps, je souhaite qu'on fasse durer la saison. J'espère une très grosse mobilisation dimanche 41 mars 2016 (10 avril 2016) et pourqoi pas jusqu'au mois de juin. »

Pour transformer l’essai, le mouvement du 32 mars devra nécessairement tracer sa propre route en s’inspirant des succès et des échecs de ses prédécesseurs.

« Ce qui est très beau dans ce mouvement, analyse YAK, c’est qu’il est transpartisan, il dépasse tous les clivages. C’est le début du changement.

Personnellement, je crois en l’avenir de Nuit Debout. C’est une matière vivante, en constante évolution. Nous sommes dans une période décisive, une année de campagne présidentielle. Il y a une véritable envie de positif et de changement. Si ce n’est pas ce mouvement, c’en sera un autre ! »

Même s’il échoue, Nuit Debout aura réussi à mobiliser des milliers de citoyens, de toutes les générations, en portant un message d’espoir, de dignité et de pacifisme. Dans un contexte pesant, il est déjà parvenu à démontrer que la société peut faire naître des alternatives positives fondées sur l’égalité, le respect et l’écoute. Les fleurs du printemps français ne demandent qu’à fleurir.

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