Les leçons de Tchernobyl

Publié le 26 avril 2016 (modifié le 20 février 2023 à 22h15)
Par One Heart
Temps de lecture : 4 mins

Le 26 avril 2016, c’est le trentième anniversaire funeste de la catastrophe de Tchernobyl en Ukraine. L’occasion pour nous de dresser un bilan, forcément partiel, de l’énergie nucléaire dans le monde.

Tchernobyl reste, à ce jour, la plus grande catastrophe nucléaire d’origine accidentelle de l’histoire de l’humanité. Seul Fukushima, en 2011, a dégagé autant de radioactivité. En Ukraine, le 26 avril 1986, la cause de la catastrophe ne fut pas un tsunami mais une succession d’erreurs humaines. A l’occasion du trentième anniversaire de ce drame nucléaire, les enseignements à en tirer font encore débat.

Un bilan humain inconnu

Dans les colonnes du Monde, Olga Boïarska, directrice d’une polyclinique infantile à Kiev qui accueille chaque année près de 4 000 enfants, revient sur les répercussions de la catastrophe sur la santé des plus jeunes.

A la suite de l’explosion, « plus de 5 000 cancers de la thyroïde ont été relevés chez des enfants ukrainiens, rapporte la docteure, alors qu’auparavant seuls quelques cas isolés étaient signalés. Le risque de développer ce cancer, à la suite de la fixation d’iode radioactif sur la thyroïde, perdure trente ou quarante ans après l’exposition ». Il est donc très difficile d’élaborer des statistiques pertinentes sur le sujet.

A l’époque, les conséquences de la catastrophe ont été largement sous-évaluées par le pouvoir soviétique. « Après la catastrophe, se souvient Olga Boïarska, personne ne savait ce qu’il fallait faire. Ce n’est que plus tard que l’on a donné de l’iode stable aux enfants pour saturer leur thyroïde. A l’époque, les autorités ont minimisé les risques, en assurant que les petites doses de radiation n’étaient pas nocives. Le 1er mai, cinq jours après l’explosion, on a même envoyé des gens défiler à Kiev, alors que les doses étaient très importantes. Au lieu de penser à sauver la population et les enfants, qui n’ont été évacués de Kiev que le 22 mai, le régime pensait à son image. Il n’était pas question de montrer que l’Union soviétique était incapable de gérer le nucléaire. »

A l’heure du trentième anniversaire de la catastrophe, la vigilance reste constante. « Tous les types de cancers ont augmenté après l’accident, précise la médecin. Et on ne connaît pas encore toutes les conséquences au niveau génétique, sur les enfants et les petits-enfants ».

En 2011, a l’occasion du 25e anniversaire de l’accident, le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) dévoilait l’impact d’une irradiation in utero sur le développement du système nerveux central du fœtus. On observe « l’émergence de désordre cognitifs infantiles comme l’hyperactivité, les difficultés d’apprentissage scolaire et même une faible diminution du quotient intellectuel », expliquait le CEA avant de préciser que les résultats n’étaient pas fiables à 100 %, compte tenu du nombre trop faible d’échantillons de population étudiés.

Sans évoquer ses répercussions catastrophiques sur la nature, le prix humain de Tchernobyl ne sera probablement jamais quantifiable. Les populations se sont dispersées, n’ont pas bénéficié d’un véritable suivi médical, l’URSS n’a pas tenu de recensement des populations touchées… Bien qu’inconnues, les conséquences de l’accident sont importantes et représentent encore une source de maladie pour un très grand nombre de personnes. Le monde est-il prêt, au nom de ces milliers de morts, à tourner la page du nucléaire ? Rien n’est moins sûr.

La place du nucléaire dans le monde

De nombreuses nations restent encore ouvertement en faveur du tout nucléaire. Au premiers rangs desquelles : la Chine et la Russie.

L’Empire du Milieu est en pointe sur le sujet. Le pays prévoit de doubler sa capacité de production nucléaire d’ici 2020. Pour parvenir à cet objectif, l’EPR de Taishan 1 sera prochainement mis en service, accompagné des EPR européens de Flamanville (Manche) et Olkiluoto 3 (Finlande).

Moscou, quant à elle, s’appuie sur un des fleurons de son industrie : Rosatom. L’entreprise publique exploite l’ensemble des centrales de l’ex-Union soviétique. Elle a pour projet de construire une trentaine de réacteurs dans une douzaine de pays.  

A la suite de Fukushima, l’Allemagne a pris une direction complètement opposée à celle de ces deux pays. Elle a décidé de sortir progressivement et définitivement du nucléaire. L’objectif est ambitieux : produire 80 % de son électricité grâce aux renouvelables d’ici 2050.

Et puis, il y a ceux qui reconnaissent volontiers la dangerosité de l’atome mais qui n’en font pas une priorité. C’est le cas des Etats-Unis ou de l’Espagne qui continueront très probablement à développer leur parc nucléaire.

Actuellement, 450 réacteurs nucléaires fonctionnent dans le monde, dont 129 en Europe. Sur le Vieux Continent, la filière représente près de 900 000 emplois. Cet argument est utilisé par un bon nombre de défenseurs de cette industrie. Ils oublient cependant un paramètre essentiel : les énergies renouvelables peuvent proposer autant, voire plus, d’emplois. En réalité, le problème est purement politique. Souhaitons-nous réorienter notre économie vers les énergies vertes, créatrices d’emplois ? La question est posée.

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