Emmanuel Druon : « L’écolonomie, un moyen d’entreprendre sans détruire »

Publié le 24 février 2016 (modifié le 20 février 2023 à 22h15)
Par Pocheco
Temps de lecture : 4 mins

Patron de Pocheco, Emmanuel Druon démontre, à travers l’exemple de son entreprise d’enveloppes pour tri automatique du Nord de la France, qu’il est plus économique de produire de façon écologique. Interview.

One Heart : Qu’est-ce qu’une écolonomie ?

Emmanuel Druon : Ce néologisme, qui associe écologie et économie, a été utilisé par Corinne Lepage en 2008. Mais j’étais comme M.Jourdain, je faisais de la prose sans le savoir. A Pocheco, on a commencé dès 1997 à simplifier tout ce qui pouvait l’être, tout en essayant de sortir de la tension entre le sociétal et l’environnemental.

Quelques exemples concrets de ces actions de simplification écolonomiques ?

E.D : Nous fabriquons des enveloppes en papier, une activité qui détruit la forêt. Donc le premier travail a été d’imaginer les moyens d’être moins agressifs. Nous avons trouvé une usine de fabrication de papier en Finlande, intégrée au massif forestier, qui exploite elle-même la forêt. Et pour un arbre coupé, on en plante quatre ! On a aussi simplifié la formule du papier, pour qu’il soit biodégradable et celle de l’encre, avec moins de produits chimiques. Plus globalement, on essaie d’avoir un produit initial le plus vertueux possible et d’appliquer cet état d’esprit tout au long du cycle de vie (eau, traitement des déchets…).

Plutôt qu’un effort, vous décrivez cette manière de produire autrement comme une éthique.

Notre démarche est le fruit d’une éthique. Nous cherchons des solutions techniques pour réduire les impacts (sociaux et environnementaux) de notre activité. Je ne vois pas ça comme une contrainte mais j’ai plutôt l’obsession du bon élève… On s’inspire du biomimétisme : j’aimerais que nos produits soient aussi intelligents que les fourmis, qui sont complémentaires et ont une capacité extraordinaire à disparaitre et à se dissoudre. Notre éthique s’applique aussi au travail : au nom de quoi faudrait-il qu’il soit destructeur ? De quelles ambitions faut-il se défaire pour qu’il ne le soit plus ? Je dis souvent qu’on ne laisse pas son cerveau au vestiaire. Nous organisons le travail en fonction de ces questionnements.

Comment se traduit cette éthique au travail ?

C’est très satisfaisant, parce que nous nous sommes libérés de tout ce qui bouffe le travail. D’abord, nous avons renoncé à l’accumulation et l’introduction en bourse, sans pour autant devenir décroissants. Pour n’être ni iniques, ni indécents, nous avons aussi instauré un rapport de 1 à 4 fois le SMIC entre les salariés. Nous avons aussi supprimé la hiérarchie pyramidale, et encouragé la coopération plutôt que la compétition. C’est plus facile de corriger ses erreurs et de présenter des excuses quand il n’y a pas d’enjeux hiérarchiques. On se concentre sur ce qui fait sens, et on essaie de construire un cadre de travail propice.

De quels dispositifs écologiques l’usine s’est-elle enrichie au fil des années ?

Nous avons par exemple installé une bambouseraie. A la place des milliers de tonnes de béton, nous avons une vraie station d’épuration naturelle : elle nettoie l’air, l’eau et offre un habitat aux oiseaux. C’est un bonheur renouvelé tous les jours ! On a aussi une toiture végétale, 18 fois moins chère qu’un autre type de toiture. Et avec les économies que l’on fait, on rénove les autres toitures. Et on n’a pas fini !

Quels sont les autres projets en cours ?

Nous voulons transmettre et partager notre expérience, à travers notre bureau d’études. On se dit que les solutions qui sont bonnes pour nous le sont aussi pour les autres. Nous aimerions créer un réseau d’entreprises, sur le modèle des Villes en transition, et impulser une « Vallée de l’écolonomie » autour de nous. Nous avons un projet de forêt comestible en permaculture, en coopération avec un paysan agriculteur voisin, pour parvenir à l’autosuffisance en fruits et légumes.

Nous avons racheté une maison, Le Fol Espoir, pour mettre à disposition des collègues et des gens du village un café citoyen, avec des repas produits sur place, bio, local et pas chers. Il y aussi un café citoyen et une épicerie, avec des produits bio en fin de date de consommation. On travaille également à développer une zone de permaculture dans notre voisinage immédiat. Enfin, on construit des logements qui pourront accueillir des réfugiés : nous voulons faire notre part à tous les niveaux possibles…

Pocheco fait partie des initiatives médiatisées par le film Demain. Comment expliquer vous son immense succès ?

Le tournage de Cyril Dion et Mélanie Laurent à Pocheco a vraiment été une parenthèse enchantée, pour eux et pour nous ! Selon moi, le succès du film s’explique notamment par le fait que les solutions qu’ils évoquent sont à la fois factuelles, vérifiables et reproductibles. Et ils ont cette capacité à nous dire que tout n’est pas foutu ni désespéré. Leur film redonne espoir.

Emmanuel Druon, Ecolonomie, Domaines du possible, Actes Sud et Colibris, 2016 ; tous les livres sont vendus au profit de la reforestation dans le Pas-de-Calais.

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Pocheco est une entreprise du Nord-Pas-de-Calais qui fabrique des écoveloppes, pochettes et sacs à soufflets en papier. Elle est une des toutes dernières entreprises indépendantes à capitaux français exclusivement familiaux. 

100 % des résultats de l'entreprise sont réinvetis dans l'entreprise. Pas de dividendes ! L'activité et la démarche de Pocheco sont guidées par les trois principes du développement soutenable depuis 15 ans : 

La réduction de l'impact sur l'environnement et la prévention des pollutions.

La réduction du risque au travail et la baisse de la pénébilité des postes.

L'amélioration de la productivité de l'activité et du site industriel.

L'entreprise appelle cette démarche : écolonomie. Il est plus économique de travailler de manière écologique que de ne pas le faire !

Aujourd'hui, Pocheco est quasi autonome en ressources hydriques. Utiliser de l'eau de pluie pour le lavage des machines, l'arrosage des plantes, la climatisation adiabatique et les sanitaire nous permet d'économiser 156 litres d'eau du réseau par heure ! 

Grâce à nos panneaux photovoltaïques, au traitement des eaux usées par bambousaie de phytoremédiation, aux radiants à infrarouges et à la suppression des chaudières à gaz, nous évitons d'émettre l'équivalent en C02 de 233 828 km parcourus en voiture de type CLIO.

D'autres installations font de Pocheco la première usine écolonomique !


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