Sénat : Comunidée amende la loi sur la biodiversité

Publié le 25 janvier 2016 (modifié le 20 février 2023 à 22h15)
Par One Heart
Temps de lecture : 4 mins

Une initiative citoyenne est parvenue à faire amender la loi sur la biodiversité par le Sénat. Une très grande avancée de la législation sur la culture des fruits et légumes en France.

Le 22 janvier 2016, à l’occasion de la première lecture du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, le Sénat a adopté deux amendements historiques. Si la loi est ratifiée définitivement, les maraîchers pourront utiliser et échanger librement des semences « traditionnelles ». Cela peut paraître anodin mais l’avancée est en réalité très importante. Nous la devons à une initiative citoyenne, initiée par les fondateurs du site internet Comunidée et rendue possible par la plateforme Parlement et Citoyens.

Pourquoi légiférer ?

La biodiversité en danger

En un siècle, la France a perdu 75% de ses variétés potagères, et avec elles, sa grande biodiversité, sa richesse culinaire et une part de son histoire.

La pomme comme exemple

Jusqu’au XXème siècle, notre pays comptait plus de 1000 variétés de pommes cultivées. Aujourd’hui seules cinq sont commercialisées ! Nous pourrions penser que nous avons choisi de ne cultiver que les plus nutritives. C’est tout le contraire. Pour recevoir l’apport nutritif d’une pomme cultivée il y a cinquante ans, il faudrait en manger 40 d’aujourd’hui … et des biologiques !

Pourquoi cette évolution ?

Depuis un demi-siècle, la loi interdit aux agriculteurs de produire leurs propres semences. On leur impose de cultiver des variétés brevetées et/ou répondant à un cahier des charges « contre-nature ».

A l’heure actuelle, les fruits et légumes doivent être homogènes, se ressembler tous. Le goût et la forme sont standardisés.

Le semencier industriel

Seuls les semenciers industriels peuvent produire des semences pour le commerce. Mettons-nous à la place de l’un d’entre eux.

Nous souhaitons produire une tomate bien rouge et parfaitement ronde. Nous allons donc utiliser une technique vieille comme le monde : l’hybridation. Pour simplifier, nous prenons une tomate verte et parfaitement ronde et une tomate bien rouge mais longue. Nous récupérons les caractéristiques qui nous intéressent pour croiser les deux lignées pures. Nous obtenons une tomate bien rouge et parfaitement ronde.

Les conséquences de cette méthode

Par ce procédé, nous réduisons toujours un peu plus le patrimoine génétique des fruits et légumes. Outre les problèmes nutritifs précédemment évoqués, les semences ainsi obtenues ont des problèmes d’adaptation à différents milieux écologiques.

En replantant les graines issues de ces récoltes, les agriculteurs obtiendront des légumes qui seront au mieux dégénérés, mais le plus probable est qu’aucun légume ne pousse ! Toutes les graines hybrides sont conçues pour n’assurer un rendement que la première année. Le maraîcher doit donc racheter chaque année des graines aux semenciers industriels !

#YesWeGraine, l’initiative citoyenne à la rescousse de la biodiversité

Alexandre Lumbroso et Jonathan Attias, les fondateurs de Comunidée, sont à l’origine de ces amendements. L’objectif : permettre aux maraîchers de cultiver et partager librement des semences reproductibles.

Il y a un peu plus de six mois, ils lancent la pétition #YesWeGraine Pour que les maraîchers aient le droit d’utiliser des semences reproductibles et de produire les leurs ! A ce jour, près de 70 000 personnes ont apportés leur soutien à l’initiative. Le travail s’est ensuite déroulé sur Parlement & Citoyens, la plateforme permettant aux citoyens et aux parlementaires de rechercher ensemble les solutions aux problèmes de notre pays.

Fort de ce succès, la proposition a été soutenue par Joël Labbé, sénateur Europe Ecologie Les Verts, et par François Grosdidier, sénateur Les Républicains. Grâce à ce dernier, le Sénat a donc adopté les deux amendements. Conséquences : toutes les variétés de semences inscrites dans le catalogue officiel doivent être reproductibles.

Aujourd'hui, 13 millions de jardiniers amateurs, étaient les seuls à pouvoir semer et à échanger librement des variétés non-inscrites dans le « catalogue officiel ». Grâce aux amendements adoptés, les maraîchers pourront nous aider à retrouver et préserver notre patrimoine alimentaire.

Un avenir incertain

Cette décision est historique, la législation n’avait pas évolué depuis plus de 50 ans. Cependant, plusieurs interrogations restent sans réponses.

Que fait-on des semences hybrides et non reproductibles ? Sont-elles supprimées ? Pour le moment nous n’avons pas de précisions sur ce point.

Les enjeux sont colossaux (plusieurs milliards d’euros) et les lobbys ont été pris de court par la décision courageuse du Sénat. La proposition de loi doit maintenant passer devant l’Assemblée Nationale et revenir au Sénat pour une deuxième lecture, le calendrier n’est pas encore connu.

Il y a fort à parier que les très puissantes entreprises du secteur ne manqueront pas de jouer de toute leur influence pour faire rejeter les amendements. Nous devrions être fixés rapidement puisque le gouvernement souhaite que la loi entre en vigueur cet été.

Le film de l’aventure

Jon et Alexandre, les deux fondateurs de Comunidée, ont réalisé un film sur le déroulement de cette belle aventure. Leur objectif est de le faire sortir au cinéma. Ils ont donc lancé une campagne de crowdfunding sur le site Touscoprod (lien en bas de page). La sortie est espérée pour l’automne prochain, et nous l'attendons avec impatience. Soutenez les !

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