Rencontre avec Xavier de Lauzanne, réalisateur du film Les Pépites

Publié le 10 octobre 2016 (modifié le 20 février 2023 à 22h17)
Par One Heart
Temps de lecture : 6 mins

En 2000, Xavier de Lauzanne réalise une étude de faisabilité pour un projet de création d’école hôtelière à destination des enfants défavorisés au Cambodge, et rencontre Christian et Marie-France des Pallières. Ceux-ci ont déjà créé l’école Pour un Sourire d’Enfant (PSE), mais pas encore le volet formation professionnelle qui existe aujourd’hui, et cherchent alors un débouché pour les enfants qui ont terminé leurs études. Xavier de Lauzanne, de son côté, souhaite changer de métier et se lancer dans la réalisation. L’occasion fait le larron : Christian et Marie-France demandent à Xavier de réaliser un film de communication sur leur association. C’est le premier d’une longue liste de documentaires et reportages que Xavier réalisera, notamment en Asie. A l’occasion de la sortie du film Les pépites, OneHeart a eu la chance de le rencontrer : nous le remercions d’avoir répondu à nos questions.

 

OneHeart : Comment le film Les Pépites est-il né ?

Xavier de Lauzanne : J’étais resté en contact avec Christian et Marie-France car nous étions devenus amis après le film de communication que j’ai réalisé sur PSE. C’est en voyant le projet qui grandissait, qui grandissait, et qui devenait énorme, et - il faut bien le dire - Christian et Marie-France qui vieillissaient, que je me suis dit qu’il fallait laisser une trace de tout ça. Mais je voulais laisser une vraie trace, quelque chose qui soit à la hauteur de leur histoire : c’est pour ça que j’ai choisi de faire un film pour le cinéma, porté sur l’émotion sur le sensoriel. Je suis donc revenu vers eux il y a quelques années, avec cette proposition de faire un film sur leur aventure, sur cette histoire tellement incroyable qu’est PSE.

 

OneHeart : Comment Christian et Marie-France ont-ils réagi ?

Xavier de Lauzanne : Ils étaient très touchés, émus – moi-même j’appréhendais leur réaction, mais eux se sont complètement reconnus. En revanche, ils ont tout de suite voulu s’assurer que le film était bien un film qui mette en valeur les enfants. Ils voulaient même appeler le film « Sacrés gosses » ! Donc d’un côté, j’avais Christian et Marie-France qui me disaient : « si c’est un film sur nous ça ne nous intéresse pas » ; et de l’autre côté, je savais que je voulais faire un film qui raconte leur histoire, à eux, parce que c’est ça qui m’avait touché. Et finalement, ça a donné un film sur le lien, sur la rencontre entre eux et les enfants.

 

OneHeart : C’est donc cette relation intime entre les des Pallières et les enfants, qui est à l’origine selon vous de l’aventure si exceptionnelle qu’est PSE.

Xavier de Lauzanne : Quand Christian et Marie-France ont découvert cette décharge, ils ont eu un choc émotionnel puissant, fort, douloureux : c’était un spectacle tellement ignoble qu’ils se sont dit qu’ils ne pourraient plus jamais être pareil après avoir vu ça. Ils sont passés très vite à l’action, en distribuant des repas sur la décharge, mais ils ont aussi, tout de suite, établi un lien très fort avec les enfants, à les considérer comme leurs propres enfants même. Jamais ils n’auraient pu imaginer que cela allait aboutir à la création d’une œuvre aussi importante que l’est aujourd’hui PSE : mais une fois qu’ils ont mis le doigt dans l’engrenage, ils se sont aperçu qu’ils ne pouvaient tout simplement plus s’arrêter ! Parce que quand on commence à considérer un enfant comme le sien, on ne se soucie pas que de le nourrir, mais aussi de le scolariser, d’assurer son bien-être à la maison, de garantir l’alimentation de ses frères et sœurs, de les défendre contre les parents violents, etc. Et c’est d’ailleurs le cas pour tout le personnel qui s’occupe de l’école PSE : ces enfants sont comme les leurs, ils leur souhaitent le meilleur comme on souhaite le meilleur pour ses propres enfants.

 

OneHeart : Pouvez-vous nous en dire plus sur ce que ce lien au cœur de PSE a permis d’accomplir, concrètement ?

Xavier de Lauzanne : A partir du moment où Christian et Marie-France ont cerné toute la force et l’ampleur de leur combat, il a fallu que tout soit structuré, organisé, institutionnalisé. Ils ont dû s’entourer pour faire fonctionner et avancer le projet. Déjà, c’était très important de créer une structure qui fonctionne et qui soit autonome au Cambodge : c’est pourquoi ils ont cherché à déléguer tout ce qu’ils pouvaient – et aujourd’hui, PSE est entièrement dirigé par des khmers, même si le conseil d’administration et la majeure partie des financements sont français. Ensuite, pour mettre en place l’école par exemple, ils ont eu besoin de former les professeurs à une pédagogie nouvelle, plus interactive, plus à l’écoute de l’enfant - parce que la pédagogie cambodgienne de l’époque était encore dans une logique très rigide et autoritaire. Avant ça, quand il s’agissait d’apporter de quoi se nourrir aux enfants sur la décharge, ils se sont vite rendu compte qu’ils allaient avoir besoin de construire un lieu un peu excentré, pour échapper aux mouches et à l’odeur pendant les repas, et au bruit, pour que les enfants puissent se reposer. Tout ça a été progressif, mais toujours motivé par le lien.

 

OneHeart : Est-ce que vous diriez que c’est aussi ce lien qui distingue PSE des autres associations existantes au Cambodge ?

Xavier de Lauzanne : La première chose déjà, c’est que ce projet avait son périmètre d’action très spécifique, celui de la décharge. Bien sûr on trouvait déjà énormément d’associations au Cambodge, y compris pour venir en aide aux enfants, mais pas dans ce lieu-là spécifiquement. L’autre originalité, c’est qu’il s’agit d’un projet de couple. Des projets incroyables il y en a plein, mais un projet de couple comme celui-là, je n’en connais pas d’autre. Je crois que c’est l’histoire de ce couple, de sa complémentarité, de son rayonnement, qui a permis de créer ce qu’ils ont fait. « Papy » et « Mamy » au démarrage, ce ne sont pas des êtres extraordinaires, ce sont même des gens plutôt ordinaires, qui n’ont pas une prétention incroyable – mais ce lien familial, si puissant et si fort qui s’établit avec les enfants, oui, il est unique.

 

OneHeart : Quelles sont les réactions des spectateurs en sortant du film ?

Xavier de Lauzanne : Je crois que les gens ressortent du film avec un vrai sentiment de bonheur, même s’il y a des choses dures qui se passent. Disons que ce film les réconforte, les maintient dans l’idée qu’une espérance est possible. En tout cas, je pense que ce film joue sur le moral, et peut encourager à faire des choses, sur le long terme.

 

OneHeart : Et pour ceux qui veulent faire des choses sur le court terme : comment peut-on aider PSE aujourd’hui ?

Xavier de Lauzanne : PSE a avant tout besoin de parrainages, car c’est ça qui rend les choses pérennes. Depuis que Christian et Marie-France ne font plus leurs tournées en camping-car, l’association a besoin de sensibiliser au maximum pour récolter des fonds. Je sais qu’ils organisent aussi des camps d’été pour accueillir les jeunes bénévoles, et qu’ils recherchent régulièrement des compétences particulières en fonction de leurs programmes.

 

OneHeart : Vous avez-vous-même fait appel à la générosité du public pour assurer la promotion du film via une cagnotte sur KissKissBankBank. Pouvez-vous nous en dire un mot ?

Xavier de Lauzanne : La promotion, c’est le grand problème du documentaire : on n’a de notoriété nulle part, ni du réalisateur, ni des acteurs, ni du sujet – en conséquence de quoi il est très difficile de créer de la visibilité. Les fondateurs de KissKissBankBank ont adoré le film et se sont beaucoup investi : résultat, en 5 ou 6 jours la cagnotte lancée était remplie. On a ainsi pu réaliser très vite notre objectif, qui était d’avoir une pleine page de publicité dans le Parisien. Après coup, on a aussi reçu des financements qui nous ont permis de faire la promotion sur des colonnes Morris, et dans le métro à Paris.

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