Pourquoi les députés ont-ils voté contre l’interdiction du glyphosate ?

Publié le 7 juin 2018 (modifié le 20 février 2023 à 22h17)
Par Alexia
Temps de lecture : 3 mins

Malgré la promesse d’Emmanuel Macron d’interdire le glyphosate d’ici 2021, le pesticide potentiellement cancérigène et polluant semble encore avoir un bel avenir en France ! Retour sur une semaine de débats houleux…


Une décision qui en déçoit plus d’un


Depuis le 29 mai, le glyphosate ressurgit dans les débats, suite au vote de l’Assemblée Nationale du projet de loi sur l’agriculture et l’alimentation. La cause des tensions ? Des amendements proposés notamment par les députés Matthieu Orphelin (LREM) et Delphine Batho (Génération Ecologie) pour l’interdiction du glyphosate d’ici 3 ans. Cette proposition, promise par Emmanuel Macron pendant sa campagne présidentielle, s’est vue heurtée par le vote de 63 députés opposés à l’interdiction du désherbant le plus commercialisé au monde.


Face à cette décision, un enfant de 7 ans, particulièrement touché par la disparition des abeilles dans son jardin et sensible à l’agriculture biologique, a voulu réagir en écrivant une lettre au président de la République pour lui demander “d’annuler tous les pesticides” qui tuent “les bêtes sous la terre” et les “bêtes aériennes comme les abeilles.” Sa tentative désespérée a beaucoup ému les internautes, qui ont partagé des milliers de fois sa lettre sur les réseaux sociaux, au point qu’Emmanuel Macron lui réponde publiquement.


L’autre grand désabusé de la situation ? Nicolas Hulot, Ministre de la Transition écologique et Solidaire, qui soutenait l’interdiction du désherbant anti-écologique. Il assure néanmoins que si l’objectif n’a malheureusement pas pu être inscrit dans la loi, il n’est pour autant “pas remis en cause”, et soutient que le gouvernement continuera d’oeuvrer pour qu’il soit atteint.


Un contexte sous pression


Les français ont également pointé du doigt le taux d’absentéisme dans l’hémicycle au moment du vote : seuls 85 députés sur 577 étaient présents pour décider de l’avenir du pesticide tant controversé. La France Insoumise et le Parti Communiste n’étaient par exemple représentés que par un député chacun. L’association Agir Pour l’Environnement a même dressé un trombinoscope pour recenser les députés absents ou ayant voté contre la proposition d’amendement, et ainsi pousser les citoyens à interpeller leurs représentants.


Face aux nombreux reproches qu’elle a reçus pendant la semaine, la gauche s’est défendue en dénonçant le contexte invraisemblable dans lequel les débats à l’Assemblée Nationale se déroulent. Le député France Insoumise Françoise Ruffin accuse notamment le président de l’Assemblée Générale de décourager, voire de saboter les débats parlementaires :

“Depuis une semaine, sur le projet de loi agriculture, nous siégeons de 9 h 30 le matin à 1 h du matin suivant. (...) Dans ce tunnel continuel d’amendements, plus de deux mille au total, difficile de deviner quand vont passer les trucs importants. (...) Et après sept jours de cette guerre d’usure, ce mardi, à 1 h moins deux minutes,  le président de Rugy décide, arbitrairement, de prolonger les débats.”


Qui soutient le glyphosate ?


Si 81% de la population française semble favorable à l’interdiction du glyphosate, selon un sondage de l’institut Odoxa réalisé en 2017, le sujet reste épineux pour une partie de la société, à commencer par les agriculteurs. En effet, ceux-ci dépendent de la grande efficacité du célèbre désherbant de Monsanto, et ne sont pas convaincus par les alternatives naturelles telles que la rotation des cultures ou le paillage, qui permettent de limiter les mauvaises herbes. Les plus grands défenseurs du glyphosate restent néanmoins les propriétaires de grandes exploitations, dont les rendements importants ne sont garantis que grâce à des solutions aussi drastiques que des pesticides.


Les lobbies semblent également faire pression sur les parlementaires pour éviter que des lois contraignant leur marché soient votées. Delphine Batho, à l’origine de l’un des amendements visant à supprimer le glyphosate des pratiques agricoles françaises, accuse notamment l’Union des industries de la protection des plantes (UIPP), dont font notamment partie Bayer et Monsanto, d’avoir eu accès à son texte 90h avant sa publication officielle, et ainsi pu fournir des éléments de langage aux députés pour contrer la proposition. Une enquête menée par les journalistes Marjolaine Koch et Isabelle Souquet souligne d’ailleurs l’étrange similitude, à la virgule près, des amendements proposés par les députés défendant le glyphosate.


Ainsi, l’herbicide le plus commercialisé au monde semble-t-il soulever des enjeux et intérêts contradictoires, entre économie et écologie. Le conflit de pouvoir entre les différentes parties prenantes semble loin d’être terminé, et la fin du glyphosate est encore une fois, repoussée…

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