Safer Internet Day 2018 : Comment vérifier l'information sur internet ?

Publié le 6 février 2018 (modifié le 20 février 2023 à 22h17)
Par One Heart
Temps de lecture : 9 mins

Par, Isabelle, chasseuse de "Fake News"

Dans le cadre du #SaferInternetDay, événement mondial annuel organisé par le réseau européen Insafe pour promouvoir un Internet meilleur auprès des jeunes, leurs parents et la communauté éducative et encourager les comportements responsables en ligne.

OneHeart a voulu en savoir plus sur les acteurs qui agissent pour un meilleur Internet plus sûr pour nos enfants. L'association tralalère fort de plus de 15 ans d'experience sur les usages du numérique nous en dit plus par la voix de sa présidente Deborah Elalouf.

Cette année le thème retenu pour cette journée d'action dans les établissements scolaires est la fausse information, plus connu sur le nom de "Fake News" et son traitement auprès d'un jeune public, action menée en partenariat avec l'agence Spicee media, le média digital 100% vidéo. Comment vérifier l'information sur Internet ?

One Heart : Les jeunes font un usage massif d’Internet, où ils représentent une population particulièrement exposée aux risques afférents : exposition involontaire à des images choquantes ou violentes, cyber violences, discours de haine, diffamations, désinformation… Vous proposez donc aux jeunes, aux parents et aux enseignants, des outils pour promouvoir le bon usage d’Internet. Pourriez-vous nous en parler ?

Déborah Elalouf : On pourrait le tourner différemment : sur Internet, il y a de tout et c’est ce qui fait sa richesse. Mais pour bien s’en servir, il faut un socle minimum de compétences et de connaissances. Cela passe par le recoupement des sources, le recul critique face à tout ce qui y est “gratuit”, la compréhension de la mécanique des algorithmes et les enjeux sous-jacents pour les différents acteurs, l’information sur l’utilisation des données personnelles et sur le fonctionnement des réseaux sociaux. Or aujourd’hui, on se rend compte que beaucoup d’adultes - parents, enseignants… - et donc d’enfants et d’adolescents, ne sont pas armés pour utiliser Internet avec le recul nécessaire. Ce qui les place en consommateurs des informations qu’on leur propose au lieu de leur donner les clés et de leur permettre d’être acteurs. Notre rôle, au sein du programme Safer Internet, est donc de diffuser les messages, d’encourager les actions de sensibilisation, de faire parler du sujet notamment au sein des réseaux éducatifs. Désormais il s’agit d’une compétence fondamentale pour tout futur citoyen.

 

OH : Depuis la création du programme Internet Sans Crainte,vos actions de prévention sont créées et/ou soutenues par des institutions et des organisations telles que le ministère de l'Intérieur, le ministère de l'Éducation nationale, la FCPE... Parlez-nous de ces partenariats.

 

DE :Le programme Safer Internet France est soutenu par la Commission européenne et membre du réseau Insafe qui regroupe les 31 projets européens du Safer Internet Program. Son consortium réunit Internet sans Crainte (programme de sensibilisation porté par TRALALERE), NetEcoute, le numéro national d’assistance pour la protection des jeunes sur Internet (0800 200 000) opéré par e-enfance, et Point de Contact, le service national de signalement en ligne des contenus illicites.

La mission du consortium Safer Internet France est de rassembler autour de la question le maximum d’acteurs de la société civile, de la sphère décisionnelle et politique et du monde de l’éducation. Il mobilise aussi des acteurs privés et des associations (telles l’Unaf, Union nationale des associations familiales, qui anime le programme pedagojeux dont nous sommes partenaires). L’enjeu est de taille et chaque partenaire peut mettre en place des actions ponctuelles ou sur le long terme qui visent à disséminer les messages de prévention.

 

OH : Vous mobilisez la communauté éducative autour de cette question cruciale de l'Internet sans crainte. Quelles actions au long cours avez-vous mises en place ?

DE : Nous proposons et relayons des actions de sensibilisation, en ligne via notre site Internet Sans Crainte, des ressources (à l’instar de Vinz et Lou, programme de sensibilisation pour mener des ateliers de primaire), des actions de formations à notre réseau d’ambassadeurs… Des ateliers sont organisés toute l’année par des réseaux d’acteurs terrain, et relayés par nos partenaires.

 Le ministère de l’Education nationale se montre ouvert et impliqué depuis le lancement du programme en France. Le programme Vinz et Lou sur Internet Stop la violence, et InfoHunter sont autant de ressources pédagogiques mises à disposition des enseignants et élaborées en partenariat avec le ministère.

Le CLEMI (centre pour l’éducation au media et à l’information), partenaire du programme, aborde ces enjeux à l’école, aux côtés d’acteurs de l’éducation populaire (comme la Ligue de l’enseignement, ambassadeur du programme), ainsi que des acteurs privés (tels MAE prévention ou Orange) qui relaient ces actions.

Depuis dix ans, c’est presque une génération d’écoliers Français qui entend parler de nos sujets et aiguise son esprit critique avec l’aide de nos outils. Mais il faut aller au-delà.


OH : Des études ont montré que les jeunes s'informent prioritairement sur Internet et les réseaux sociaux favorisent la diffusion des hoax, rumeurs, canulars mis en valeur par les bulles de filtre que produisent les algorithmes. Malgré la création de contre-mesures telles que Decodex, libe désintox ou la présence de sites tels que HoaxBuster ou PhDn (sur le négationnisme), la manipulation des consciences est telle que le Gouvernement envisage une loi contre les fake news. Qu'en pensez-vous ?

DE : S’il est souhaitable que les pouvoirs publics se saisissent de cet enjeu, faire le choix de loi n’est pas sans poser de questions. Le Consortium Safer Internet France est très clair sur cette question : légiférer à l’échelle française ne peut pas être une solution satisfaisante. Internet est un média mondial qui n’a pas de frontières étatiques rendant donc l’action d’un pays difficile, mais surtout il peut sembler illusoire, voire liberticide, de penser pouvoir contrôler toutes les informations circulant sur le net.

 

OH : Les spécialistes de l'écosystème médiatique savent qu'une loi ne suffira pas à endiguer le flot des fakes news et autres post-vérités, et que l'éducation à l'information, la possibilité de juger de sa fiabilité, est primordiale. Présentez-nous votre campagne sur ce thème.

 

DE : Former massivement les esprits critiques, donner les moyens de la prise de recul, accompagner l’utilisation, voilà les enjeux que doit relever le Gouvernement, en concertation avec tous les acteurs économiques, politiques, associatifs, éducatifs, et les médias également… C’est l’ensemble de la société française qui doit faire un grand pas en avant pour que les citoyens de ce pays ne soient pas des consommateurs passifs de contenus et de services dont ils ne maîtrisent pas le système de production. C’est un grand défi à relever car il faut non seulement toucher tous les enfants scolarisés, mais l'École ne peut pas tout : les parents, les futurs parents, les grands-parents, tous doivent eux aussi être “formés” ce qui est très loin d’être le cas aujourd’hui. L’ère numérique dans laquelle nous vivons est complexe et nécessite une véritable éducation des esprits.

 

OH : Selon une étude de l'Ifop pour la fondation Jean-Jaurès et le site Conspiracy Watch, 79% des Français croient à au moins une théorie du complot répandue et 16 % des Français pensent que les Américains ne sont jamais allés sur la Lune. Que pensez-vous des résultats de cette étude ?

DE : C’est triste et inquiétant, mais ce n’est pas étonnant. Là encore, cela prouve le travail qu’il reste à faire pour éveiller les consciences et faire prendre le recul nécessaire à tous. On pourrait par exemple se fixer l’objectif des prochaines élections présidentielles Françaises comme première échéance pour un plan de sensibilisation d’ampleur nationale… Nous restons à la disposition de tous les acteurs pour en parler !

 

OH : Quelles actions menez-vous pour cet événement mondial qu'est le Safer Internet Day ?

DE : Nous proposons chaque année une ressource pédagogique thématique à destination du monde de l’éducation : enseignants, animateurs dans le cadre scolaire ou péri-scolaire. Pensées pour lancer le débat, elles permettent d’aborder (sous forme de serious games, de dessin animé, d’outil de création, de parcours pédagogiques…) des sujets liés à Internet et à la culture numérique.

Cette année, c’est la ressource Info Hunter que nous lançons : un dispositif conçu pour animer des ateliers sur la fabrique de l’information et des fake news. Cette ressource a été réalisée avec Spicee, média en ligne indépendant, avec le soutien du ministère de l’éducation nationale. Elle est disponible ici

TRALALERE propose également un parcours sur l’information avec Vinz et Lou

De nombreux partenaires contribuent à ce travail de sensibilisation, des réunions d’information à l’école ou en entreprise, des campagnes de sensibilisation en ligne...  

Nous formons des ambassadeurs Internet sans Crainte. Les ressources font ainsi l’objet de nombreux ateliers sur le terrain, avec plusieurs centaines d’ateliers réalisés dans les écoles, les mairies, les espaces publics numériques, au moment du Safer Internet Day :

Nos ambassadeurs terrain incluent : la Ligue de l’enseignement, l’association e-enfance (également membre du consortium Safer Internet), la MAE prévention, la FFT, et de nombreux autres acteurs éducatifs sur le territoire.

Nous participons ainsi au MAIF Numérique Tour, un tour de France des écoles menant des ateliers de sensibilisation dans toute la France au sein d’un camion équipé faisant le tour des écoles.

Des actions concertées sont enfin menées entre Internet sans Crainte, Net écoute, et Point de contact, pour concilier sensibilisation, écoute du public, et signalisation.

 

Cette journée de l'Internet Sans Crainte organisé par l'association Tralalere et ses acteurs partenaires, se sont associés à Spicee Média, le média 100% digital. One heart a rencontré Thomas Huchon journaliste et réalisateur épicé pour Spicee ! 

One Heart : Bonjour Thomas merci de répondre à nos questions, pouvez-vous définir Spicee Média en 3 mots ?

Thomas Huchon : Numérique, Intelligence, Piquant ! 

OH : Comment Spicee Média est-il devenu partenaire de l'association tralalère pour l'Internet Safer Day ?

TH : Tralalère a repéré notre travail, Spicee a produit le film "Conspi Hunter, comment nous avons piégé les complotistes" et nous avons produit près de 4 heures de contenu vidéo à destination de l’éducation au média. Ils ont repéré notre travail et ont vu aussi les séances pédagogiques que je mène dans des classes à la demande des enseignants qui avaient également repéré le travail de Spicee et qui nous ont demandé d’intervenir dans leur classe pour faire de l’éducation au média à leurs élèves. Je me suis ainsi rendu dans 75 classes, plus de 50 établissements dans une quarantaine de villes, ce qui correspond à 3000 élèves ont déjà été « Conspi hunter ». L’objectif est de donner les outils et le contenu aux enseignants pour leur donner de l’autonomie pour faire et apprendre aux élèves le droit de se tromper.

OH : Quel est votre sentiment sur les réactions des enfants suite à la diffusion du faux reportage réalisé et produit par Spicee Média ? 

TH : Les élèves faisant à priori confiance en leur instituteurs tombent dans le panneau du faux reportage, ce qui est normal car leur instituteur en qui ils ont confiance fait venir un journaliste dans leur classe leur proposant de visionner un vrai reportage. Nous jouons de cette confiance, et nous leur faisons prendre conscience que pour accorder sa confiance il faut des éléments, et lorsqu’il n’y a pas ces éléments (article signé, vérification des photos, le contexte, le site internet est-il légal…) il faut suspendre son jugement et se poser des questions très basiques pour éviter bien des pièges. Les élèves ont déjà beaucoup de réflexe et de sens critique pour se prémunir mais ne vont pas au fond des investigations. (par exemple il voit qu’il y a un document officiel, mais ne lisent pas ce document) L’idée n’est pas de leur dire c’est faux ou vrai mais de les amener à se poser les bonnes questions sur la véracité des informations et obtenir les bons reflexes dans le décryptage de cette information à mettre en parallèle et combiner ses réflexes. Leur apprendre à ne pas être obligé de s’exprimer sur un sujet si ils n’ont pas pu vérifier toutes les informations de cette nouvelle.

 

OH : Selon une étude de l'Ifop pour la fondation Jean-Jaurès et le site Conspiracy Watch, 79% des Français croient à au moins une théorie du complot et 16 % des Français pensent que les Américains ne sont jamais allés sur la Lune. Que pensez-vous des résultats de cette étude ?

 

TH : Pas totalement surpris par ces résultats, c’est un sondage donc il y a quelques limites méthodologiques et ça ne donnent pas Les conclusions du sondage reflète totalement ma vision du terrain, je ne suis pas surpris par les résultats ni par l’ampleur ni par les thématiques, ça montre tout de même une vrai problématique dans la société française, peut être pas dans l’adhésion aux théories du complot mais à l’exposition de celles-ci. 

 

 

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